Si on devait expliquer le Tao, on commencerait par quoi ?
On commencerait par faire plaisir à LaoZi (LaoTseu, de son vrai nom LaoTan), en citant le TaoTöKing : « le Tao qu’on peut nommer n’est pas le Tao, celui qui parle du Tao n’en sait rien, celui qui sait n’en parle pas ». Mais bon voilà, nous sommes entre occidentaux qui avons parfois besoin de savoir et comprendre.
Le TaoTéKing est le livre de la voie de l’efficace. Il n’est pas, comme couramment traduit par les non-praticiens du Tao, le livre de la voie et de la vertu.
Il faut reprendre toutes les traductions au mot près : Tö ou Té, vertu, c’est l’essence même de la chose, son principe d’action, c’est à dire l’effet qu’elle produit, donc son efficacité. Ainsi, ce fameux livre est un guide pour être efficace. Tao (la voie) Te (efficace) King (traité, livre). Il explique comme obtenir un effet particulier. Il est composé de 81 chapitres allant chacun de quelques lignes et plusieurs paragraphes selon le thème abordé.
Alors « ça en jette » de dire « moi j’ai lu le TaoTeKing ». Le souci est de comprendre ce qu’il y a derrière les mots, et c’est là que cela se corse si on n’a jamais pratiqué le TaoYin (et pas le qi gong).
Il y a bien sûr d’autres ouvrages comme : le ZhuangZi (TchouangTseu), le Vrai Classique du Vide parfait de LieZi, le BaoPouZi, le HainanZi qui sont des classiques Taoistes. Il faut les lire, les relire, s’en imprégner, et les comprendre à partir de la pratique du TaoYin (entretenir la voie). A défaut au moins en partager la compréhension avec un enseignant de TaoYin expérimenté. Car dans ces livres, derrière chaque idéogramme chinois se cache un sens particulier qui, associé aux autres, révèle une ouverture de conscience qui libère l’esprit et par la suite le corps et l’être tout entier.
Il n’y a là rien de mystique, c’est juste … efficace.
Comme dit notre maître-enseignant (DaoShi), il faut donc commencer par s’impliquer (dans la pratique) pour commencer à sentir ce qu’on nous fait vire et ce qu’on nous explique pour pouvoir sentir à nouveau (re-sentir) et finalement appliquer dans la vie selon le contexte.
Nous allons vous mâcher un peu le travail pour une simplification (mais sans réduction).
Voilà ma manière d’aborder l’enseignement du Tao :
1,2,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12. Ça va jusque là ? … Je plaisante.
1 : c’est le Tao, le Tao indifférencié, un espace sans limite où tout pré-existe déjà sans être manifesté, donc invisible, inaudible, impalpable, c’est-à-dire étranger (étrange) à nos sens humains.
Si tout pré-existe, on ne peut se prévaloir, ni vous ni moi, d’être l’auteur de quelque chose, ni l’inventeur, encore moins le créateur. Nous ne pouvons à la limite que manifester dans le concret quelque chose obtenu de manière subtile voire inconsciente.
Voilà déjà une explication à pourquoi les chinois ont-ils la copie dans le sang : parce qu’il n’y a jamais eu vol possible puisque tout vient du Tao. C’est par l’Esprit (Shen) que l’on peut se relier au Tao et éventuellement capter une bonne idée géniale et malheureusement déposer un brevet pour empêcher quelque autre génial découvreur de gagner des sous avec sans nous en donner un centime.
Le Tao aurait donc un lien possible avec ce qu’on appelle en Occident le chaos primordial et l’inconscient collectif.
Ensuite LaoTan nous dit « rien ne peut se faire sans le Tao. » Globalement, tout est imprégné du Tao. Les physiciens quantiques (comme Fritjof Capra) ont fait des relations entre le Tao et la physique, notamment entre la loi de cause à effet, la synchronicité, l’inconscient collectif et l’effet de masse critique. Je laisse ceux que ça intéresse chercher ces infos sur le web, il y a ce qu’il faut. Bref, tout se tient.
Comprenez en pratique que « fabriquer une innovation », déposer un brevet, voire concéder une licence, et espérer que les chinois la respecte, c’est comme croire au père-noël.
Revenons à nos rennes, je veux dire à nos moutons, le Tao, ça pourrait être le principe primordial qui soutient tout ce qui existe dans l’univers des univers, dans tout l’espace. C’est à dire de l’énergie pure. Et c’est là qu’arrive le gros mot, « Tchi », ou plus exactement « Qi » (et non pas Ki à la japonaise, car si les japonais ont bien repris toutes les théories chinoises à leur compte, ils n’en n’ont que très rarement compris toutes les subtilités. Je sens que je vais me faire des amis japonais sur ce coup-là!)
Donc le Tao ça serait du Qi à l’état pur. C’est à dire ou à peu près de l’énergie avec une conscience douée d’intention.
Sur le plan du vécu personnel, cela revient à sentir, ressentir et pressentir que tout n’est qu’un. Tout n’est qu’1. Un comme « unité originelle ». Tout ce que vous voyez, vivez, touchez, sentez puise sa source à la même origine que vous. Vous ne faites qu’un avec ces choses. Que vous en ayez conscience, c’est une autre paire de manches (qui sont profondes chez les chinois puisqu’on y mettait tout un tas de choses). Mais justement, cela explique bien le fait que la pratique est indissociable de cette compréhension, car c’est à force de pratiquer qu’on y parvient.
Donc il n’y que des différence d’apparences à notre niveau de perception basique. Mais sentir cette unité avec tout ce qui vous entoure (y compris avec le crétin du coin) c’est s’extraire du contexte de dualité dans lequel le système social dans lequel nous vivons essaie de vous enfermer. Avec le sentiment d’unité disparaît la notion de surenchère compétitive, de combat contre les autres, de perte ou de manque de place, de richesse fictive.
Sentir qu’enfant du Tao nous ne faisons qu’un avec l’ensemble de l’humanité extrait aussi de la notion d’agression potentielle perpétuelle.
Bien sûr il ne s’agit pas d’aller provoquer un gros balaise en lui disant que vous êtes son frère ou sa sœur du Tao que vous allez l’embrasser sur le nez. Mais instinctivement vous prendrez inconsciemment les décisions anodines qui feront que votre chemin ne croisera pas le sien. Vous serez sur votre voie, votre Tao.
Chez les anciens Taoïstes, les Célestes comme ils s’appelaient (car enfants du Ciel – enfants du Tao), on reliait l’Unité primordiale à TaiYi, l’étoile polaire, autrement dit la grande ourse pour nous, voire le chariot, la grande casserole, et justement l’image du « boisseau du nord », cette longue louche en bois qui servait à boire l’eau du puits.
Voici une chose qui peut vous guider ces prochains temps : à chaque fois qu'une chose, un événement, une personne vous fera hérisser le poil, demandez-vous ce qu'il y a de commun entre cette chose et vous-même. Et si vous ne voyez pas, alors ouvrez les yeux (ceux du cœur et là vous verrez !)
Tant qu'une chose extérieure à vous vous perturbe, c'est qu’elle vit aussi à l'intérieur de vous, cachée peut-être. Débusquez-là. Soyez vrai. Regardez au fond de vous-même avec sincérité, cela vous amènera à vous accepter tels que vous êtes, et non pas tel que vos parents vous ont voulu ou tel que vous croyez devoir être et paraître. Comprendre que nous sommes tous parfaitement imparfaits permet de sentir que tout est un et parfait. Si vous acceptez cela en vous, alors il n'y aura plus de parties distinctes en vous. Votre pensée, vos paroles et vos actions ne feront qu'un (encore l'unité) et vous serez un être authentique. L'unité et l'authenticité sont une et même chose. Si vous n'êtes pas vrai, vous vivez dans la duplicité et donc la dualité, alors la vie sera dure avec vous.
Prenez soin de vous.
A bientôt pour le troisième épisode !